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  • Clarisse Rat

Entretien avec l'artiste Estelle Babut-Gay

Après s’être intéressé au détournement du plastique, parlons fer et soudure. C’est le matériau de prédilection d’Estelle Babut-Gay, artiste plasticienne, que notre envoyé spécial, Foucauld Ruget a eu la chance de rencontrer. Cette semaine, La Troisième main vous propose de partir à la rencontre de cette artiste autodidacte, et de découvrir son monde rempli de bonshommes aux formes surprenantes.

Est-ce que vous avez une formation artistique ?

Oui et non, je suis autodidacte au niveau de tout ce qui est manuel, c’est-à-dire soudure, sculpture. En revanche, j’ai quand même fait des études: j’ai un DEA de cinéma et d’audiovisuel. On ne peut pas dire que je n’ai pas de formation artistique mais c’est plutôt un bagage de culture général cinématographique.

Quand est-ce que cet élan vous a pris de vouloir créer des œuvres à partir d’objets ?

C’est un long parcours que je préfère vous retracer, ce sera plus simple. J’ai toujours fait des trucs avec les mains. Dès l‘adolescence, j’ai fait du collage. J’utilisais déjà les poubelles bleues qui sont maintenant devenus jaunes. Et j’allais farfouiller là-dedans, je récupérais plein de magazines et je m’amusais à faire des collages avec. J’ai aussi fait partie d’un collectif de collagistes pendant assez longtemps qui s’appelait le collectif « amer » et qui m’a permis d’exposer et de rencontrer d’autres artistes. Petit à petit, je me suis mise à mettre de la matière dans les collages : du sable, des morceaux de verre polie, des déchets récupérés au bord de la mer et progressivement, cela a débordé du cadre et ça a commencé à avoir une tête en 3D. Avant la soudure, j’ai fait beaucoup de sculptures de personnages en bois flotté mais je trouvais ça très restrictif. Cela faisait longtemps que le métal m’intéressait, j’ai donc appris par moi-même avec les conseils de copains qui soudaient. Je n’utilise maintenant plus que le fer et la soudure. Tout cela est le fruit d’une longue évolution et cela fait maintenant plus de 10 ans que je fais des personnages !

Miss Sextant - Assemblage en récupération (2017)

Sextant, prise en porcelaine, ancienne douille de laiton


Aujourd’hui dans vos sculptures, comment est-ce que vous récupérez vos déchets ?

Pour moi, ce ne sont pas des « déchets » mais de la matière première. J’en récupère un peu partout : au bord des plages, dans la rue, les ressourceries et les vides greniers.


Où est ce que vous puisez votre inspiration ?

Dans mon imagination. En revanche, je ne fais que des bonhommes ou bonnes femmes et quelques animaux. Je ne fais absolument rien d’abstrait, c’est assez figuratif et je crois que c’est un truc qui est resté de l’enfance. Quand on est môme, on a tendance à faire des bonhommes avec trois marrons et quatre allumettes.

Miss Quinocarbine - Assemblage en récupération (2017)

Outils divers, boîte en métal, prise porcelaine


Est-ce que dans vos œuvres se cache une critique de la surconsommation ou alors de l’obsolescence programmée ?

Ça ne se cache pas mais ce n’est pas non plus une revendication. Ce qui m’intéresse, c’est de donner une seconde vie à des objets qui sont délaissés. Maintenant mon créneau, ce n’est pas l'high-tech, ni le plastique. La sélection de matériaux que j’utilise montre que je n’ai pas de revendication absolue. Mais c’est vrai que je trouve tout à fait dommage de ne pas continuer à utiliser les outils qu’on utilise plus, classés « désuets », car pas assez modernes.


Travaillez-vous seule ou en contact avec d’autres artistes ?

Ça a évolué ! Je travaille seule parce que je prends énormément de place, mon atelier est un véritable chantier où s’accumule tout le fruit de mes cueillettes ! Et parce que mon activité est assez salissante.

Mais ça fait des années que je participe aux portes ouvertes de Belleville. C’est une association qui a 30 ans maintenant, l’idée c’était de faire vivre le quartier en regroupant les artistes en adéquation avec celui-ci. On ouvre, tous en même temps, nos portes et le public vient nous voir d’ateliers en ateliers, ça permet d’être en contact avec d’autres artistes. En 2021, s’il n’y a pas de problème, ce sera le 28 mai. Faites-le, une fois !

L'oiseau Assemblage en récupération (2017)

Burette, tampon et fourchettes


Par quels moyens faîtes-vous connaître vos œuvres ? Est-ce que vous contactez les gens ou c’est eux qui viennent à vous ?

Alors moi, je ne vis pas des choses que je crée. J’ai une activité à côté : je suis monteuse. A défaut d’assembler des outils, j’assemble des images animées, l’idée reste la même. Comme ce n’est pas mon activité principale, je n’essaie pas d’en vivre. J’ai donc trouvé un équilibre en faisant deux expositions par an ce qui est déjà pas mal pour ma petite production : les portes ouvertes de Belleville et celles de Ménilmontant. Dernièrement, et comme je suis dans un créneau qui revient à la mode – la récup’- j’ai pu exposer en galerie.


Quel est votre public ? Est ce que votre public vient pour la nature écologique de vos œuvres ?

C’est possible… Avec Belleville, c’est souvent un public de quartier. Il n’y a pas de cible type, les jeunes sont très intéressés mais n’achètent pas. Ceux qui achètent, ce sont les gens pour lesquels mes œuvres, au niveau de l’objet utilisé, rappellent quelque chose. Ce sera plutôt des personnes d’un certain âge ayant côtoyé cet objet devenu désuet. Il y en a forcément dans le lot pour qui le côté récup’, écolo joue. Mais il n’y a pas que ça.


Est-ce que vous avez des projets qui vous trottent dans la tête ?

Oui, il y a toujours quelque chose qui me trotte dans la tête. Le seul projet que j’ai vraiment, c’est de faire les portes ouvertes, ce qui me laisse complètement libre pour m’amuser avec mon bric-à-brac. Les portes ouvertes ça me permet d’échanger avec d’autres artistes et d’avoir de nouvelles idées. J’ai rencontré mon voisin Laurent Debraux qui travaille le mouvement dans la sculpture en utilisant tout ce qui est magnétisme et petits moteurs. Mettre en mouvement, ça j’aimerais bien le faire. J’ai commencé avec de vieux outils dont j’essaye de faire tourner certains éléments. A long terme, j’aimerais réussir à animer mes sculptures !

Avez un coup de cœur à nous faire partager artistiquement parlant ?

De manière générale Max Ernst, mais un artiste contemporain que j’aime beaucoup, c’est Bordalo II. Vous voyez qui c’est ?

Bordalo II, artiste portugais qui sculpte des animaux en voie de disparition à l’aide de déchets plastiques, nous vous l’avons présenté dans un article précédent. Alors n’hésitez pas à aller jeter un coup d’œil !


Estelle Babut-Gay devant ses Å“uvres.

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