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  • Clarisse RAT

Exposition temporaire et développement durable, une conciliation est-elle possible ?

Dernière mise à jour : 14 déc. 2020

8 733 tonnes. Le poids de 52 baleines bleues me diriez-vous ?

Et bien, pas seulement.


8733 tonnes, c’est l’équivalent CO2 émis par le musée du Louvre en 2014 (scope 1 et 2)*(1). Et, cela correspond aussi à la consommation de gazole d’une voiture ayant effectué 1150 fois le tour de la Terre.


Comme vous pouvez le deviner, le secteur culturel étant considéré aujourd’hui comme une industrie à part entière, a lui aussi à un impact environnemental notoire, et pourtant nous avons trop souvent tendance à le négliger. Parlons spécifiquement arts visuels, musées, expositions.


Le thème écologique a conquis l’espace culturel et surtout l’art contemporain, il suffit de lister les expositions parisiennes ayant eu lieu ce dernier semestre : Notre monde brûle au Palais de Tokyo, Global(e) Résistance au Centre Georges Pompidou, Courants verts à la Fondation EDF, Blessure de Sabastião Salgado etc.

Et pourtant l’engagement du secteur reste très symbolique et non opérationnel. Peu d’actions éco-responsables sont aujourd’hui réalisées dans le processus même de la création artistique, au sein même des institutions culturelles.


Citons, l’œuvre Ice Watch exposée en 2014 par l’artiste Olafu Eliasson. Des blocs de glace transportés depuis le Groenland, symbolisant par leur fonte lors de leur exposition, l’urgence d’une lutte contre le réchauffement climatique. Si le message activiste est bien présent, il reste paradoxal quant au coût écologique d’un tel transport et des conditions de conservation. Il s’agirait donc de faire concorder ce message activiste avec un engagement structurel sur la scène artistique.


Ice Watch, Olafu Eliasson, 2014

Place du Panthéon, Paris, 2015

Photo : Martin Argyroglo



L’EMPREINTE ÉCOLOGIQUE D’UNE EXPOSITION ET LES SOLUTIONS


L’art suit la logique d’accroissement des échelles, typique de notre monde moderne en multipliant le nombre de foires et d’expositions aux quatre coins du monde. Et en concordance avec les progrès du numérique, les institutions culturelles livrent une scénographie toujours plus spectaculaire. Si rien que dans sa dénomination une exposition temporaire est à contre-courant d’un développement durable, il s’agit alors de mettre en œuvre les moyens nécessaires afin que celle-ci ait l’impact environnemental le plus faible possible.


La majorité du temps, une exposition nécessite tout d’abord un bâtiment, celui qui héberge l’institution culturelle, et qui souvent parce qu’il est ancien n’est pas adapté aux normes d’isolation.


Concernant les œuvres, les normes de conservation vont imposer une certaine luminosité et un contrôle de la température par la climatisation afin d’éviter la détérioration. Pour diminuer l’empreinte carbone de ce côté-là, le groupe Bizot - qui réunit les directeurs des plus grandes institutions culturelles - étend la plage et préconise, pour la préservation des tableaux, une température variant entre 16 et 25 degrés.


Qui dit exposition dit transport d’œuvres et le plus souvent par avion. Des caisses de transports sont donc nécessaires, mais celles-ci souvent faites sur mesure sont à usage unique. La solution ? Mutualiser les transports lorsque cela est possible et réutiliser les caisses ! Comme le fait le Palais des beaux-arts de Lille qui regroupe le transport de ses œuvres avec d’autres établissements artistiques de la région.


Il y a ensuite élaboration d’une scénographie pour socler ou installer les œuvres sur des murs temporaires ou sous des vitrines d’exposition et qui seront jetées à l'issue de l’exposition. Il s’agirait ici aussi de réutiliser et mutualiser les scénographies ! Et les exemples ne manquent pas, on peut citer Paris-musée qui pousse ses 14 musées à regrouper leurs expositions et à utiliser le mobilier muséographique du réseau. Le Quai Branly impose l’usage d’une même scénographie pour deux expositions, ce qui demande de réfléchir d’autant plus lors de sa conception afin de permettre un réemploi. Ou même le MAC/VAL qui utilise un système de cimaises en briques pouvant être modulées en fonction de chaque exposition.


Enfin, il est possible d’avoir recours aux ressourceries qui permettent de créer à partir de l’usagé. On pense à La Reserve des arts, une association qui récupère des matériaux pour les mettre à disposition de créateurs.

Vous vous demandez alors sûrement, pourquoi tous les musées ne mettent-ils pas en œuvre ces actions qui ne paraissent pas si compliquées ?

Il est difficile de faire concorder une activité culturelle qui agit à échelle mondiale avec un engagement écologique qui pense souvent local. Aussi un tel engagement peut constituer un frein par rapport à la mission des institutions culturelles qui est de promouvoir la création artistique la plus libre possible. Enfin les institutions qui peinent déjà à assurer leur mission fondamentale à cause d’un manque de moyens peuvent ne pas se sentir concernées par un tel engagement.


Il serait aussi temps d’avoir à disposition des outils permettant de calculer les émissions de CO2, afin d’établir un diagnostic de la consommation énergétique de chaque structure pour pouvoir ensuite les réduire (ces outils étant aujourd’hui trop techniques et requiers d’avoir recours à des agences spécialisées). C’est ce qu’avait fait le Louvre en 2014 lors de la réalisation de son bilan carbone avec le ministère de la Culture. Suite à ce dernier, une rénovation d’une partie des dispositifs de chauffages et de l’éclairage (led) avait bel et bien été entrepris.


 

*(1) Chiffres tirés du rapport du Bilan des émissions de gaz à effet de serre réglementaire du Louvre données 2014


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