Aujourd’hui, l’obsolescence programmée touche l’ensemble des appareils quotidiens indispensables à notre confort. Parce qu’en tombant en panne, le composant défectueux à remplacer - s’il est encore fabriqué - revient plus cher que le produit lui-même. Ou parce que le modèle, pourtant pas si vieux, a été relayé au rang des antiquités par ses successeurs.
En 2020, seulement 44% des appareils défaillants ont été réparés. Les 56% restants ont fini à la poubelle, en dépit de la pollution, de la surexploitation et de toutes les conséquences néfastes qui en résulte.
L’obsolescence programmée : d’où vient-elle ?
Le Cartel de Phœbus
1924. Les plus puissants fabricants industriels d’ampoules mettent au point une stratégie inédite pour booster leurs ventes, celle de limiter à 1 000 heures la durée de vie de leurs produits. Pourtant, des brevets déposés bien plus tôt prouvent la capacité des entreprises à fabriquer des ampoules allant jusqu'à 10 000 heures d’éclairage. Cette action de très grande envergure, considérée comme la première du concept, a posé les bases de notre société de consommation.
Le saviez-vous ? La plus vielle ampoule encore en fonctionnement date de 1901. Elle éclaire aujourd’hui la caserne de pompier Livermore en Californie.
Une solution à la crise économique
1934. Après le krach boursier de 1929, le Courtier Bernard London aborde l’obsolescence planifiée comme solution pour relancer la croissance économique. En limitant la durée de vie des produits, le fabricant s’assure la fidélité du client qui sera contraint de les racheter indéfiniment.
Autres formes d'obsolescence
Un bon panel de techniques a été développé par les industriels pour pousser à la consommation et à l’achat de nouveaux modèles. Dans un rapport publié en 2013, le Centre Européen de la Consommation pointe l’existence de formes d'obsolescence plus insidieuses. L’obsolescence indirecte. Au-delà de l’obsolescence programmée visant à réduire la durée de vie d’un appareil dès sa fabrication, l’obsolescence indirecte désigne l’arrêt de fabrication d’une pièce ou d’un composant électronique essentiel à la réparation.
Elle peut aussi concerner la mise sur le marché d’un nouveau modèle qui va rendre l’ancien obsolète malgré son bon état de marche - un chargeur de téléphone par exemple. L’obsolescence incompatible. Davantage répandue dans le secteur informatique, c’est la création de nouvelles versions de systèmes d’exploitations que l’utilisateur doit obligatoirement installer et qui rendent alors inutilisables certains appareils. On retrouve également les principes d’obsolescence de péremption esthétique ou encore écologique avec le fameux greenwashing - que nous aborderons dans un prochain article...
Le saviez-vous ? Un européen change de smartphone en moyenne
tous les 20 mois. Alors que ce dernier fonctionne encore.
Les conséquences environnementales et humaines
Cette surconsommation organisée nuit à la fois à l’environnement - via la pollution et la surexploitation - et aux consommateurs puisqu’elle induit des dépenses importantes liées au remplacement des biens de consommation.
Le saviez-vous ? 47,8 millions de tonnes de déchets électroniques
ont été produits en 2017 par le fait de l’obsolescence programmée.
La liberté d’exiger du neuf
Scandé par les industriels, “le droit à l’innovation” justifierait cette course effrénée au toujours plus beau, au toujours plus rapide, au toujours plus performant. Plus encore, sur-produire serait bénéfique pour l’économie car vecteur d’emplois.
Pourtant, l’économiste Alfred Sauvy affirme que “le but de l’économie n’est pas le travail mais la consommation”. L’obsolescence programmée sonne ainsi le glas pour de nombreux marchés.
En France, depuis 2010, 50% des réparateurs indépendants ont fermé boutique. On considère aujourd’hui que seulement 40% de nos appareils sont réparables.
L’obsolescence programmée, bientôt un délit ?
En 2015, la France promulgue la loi sur la transition énergétique et devient l’un des premiers pays à faire de l’obsolescence programmée un délit, puni de 2 ans d’emprisonnement et de 300 000 euros d’amendes. L’occasion de traduire en justice des marques telles que Epston et Apple... mais sans résultat, la France se heurtant au bloc international des pontes de l’industrie et à la complexité de démontrer le caractère intentionnel de l’obsolescence.
En Juin 2017, c’est au tour de Greenpeace de dresser un palmarès des entreprises à la “pointe” de l’obsolescence programmée. Le podium des vainqueurs : Samsung, Apple et Microsoft. Le classement s’appuie sur leurs dernières décisions concernant la possibilité de réparation des nouveaux ordinateurs et smartphones, ces derniers étant moins réparables qu’auparavant.
Malgré l’apparition de nouvelles législations, les industriels sont encore loin de bannir l’obsolescence programmée de leur modèle économique. Pourtant, une lueur d’espoir semble naître par l’émergence d’une économie durable et responsable portée par des acteurs vertueux...
À suivre dans notre prochain article !
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